L’ESMA prépare la version MiCA du règlement Market Abuse

Hier, l’ESMA a publié son rapport final sur les lignes directrices (Final Report on Guidelines) relatives à la prévention et à la détection des abus de marché dans le cadre de MiCA, avec deux mois d’avance sur l’échéance fixée par l’article 92(3) de MiCA. Ces lignes directrices deviendront applicables dans un délai de trois mois suivant leur publication dans toutes les langues officielles de l’Union européenne, sous réserve que les National Competent Authorities (NCAs) déclarent leur intention de s’y conformer.

Ce rapport marque une étape réglementaire importante, en introduisant un cadre de supervision inspiré du Market Abuse Regulation (MAR), mais adapté aux risques spécifiques et aux caractéristiques propres aux marchés des crypto-actifs dans le cadre de MiCA (Règlement UE 2023/1114).

Principaux impacts opérationnels pour les NCAs et les PPAETs

Bien que les lignes directrices couvrent plusieurs dimensions de la supervision, trois domaines se distinguent par leurs implications opérationnelles et stratégiques pour les NCAs et les Persons Professionally Arranging or Executing Transactions (PPAETs) :

1. Intégration des pratiques de supervision existantes (Section 4.3)

L’ESMA encourage les NCAs à s’appuyer sur leurs dispositifs existants en matière de détection des abus de marché développés sous MAR, en les adaptant aux menaces spécifiques aux crypto-actifs. Les principales recommandations comprennent :

  • L’élargissement des outils de surveillance pour détecter les pratiques manipulatoires propres aux technologies blockchain (par exemple, les stratégies de MEV abusives, la manipulation de l’offre de tokens).
  • La surveillance active des réseaux sociaux et plateformes web, en reconnaissant leur rôle central dans la diffusion de fausses informations ou d’informations trompeuses.
  • L’adaptation de la détection des délits d’initiés à de nouveaux acteurs techniques comme les validateurs ou les mineurs, dont les fonctions peuvent leur permettre d’exploiter des informations privilégiées (ex. : via le frontrunning).

Ces recommandations impliquent une modernisation technologique et analytique significative des capacités de surveillance des NCAs, avec un déplacement de la supervision vers des environnements décentralisés, en temps réel et numériques.

2. Renforcement de la surveillance et du monitoring par les NCAs (Section 4.8)

L’ESMA appelle les NCAs à développer des stratégies de surveillance fondées sur les données, combinant :

  • Les données réglementaires collectées auprès des CASPs (Crypto Asset Service Providers),
  • La reconsolidation des données on-chain et off-chain, et
  • La surveillance automatisée des médias et des plateformes sociales pour détecter des schémas, risques émergents ou manipulations de marché.

Cette approche dépasse le cadre de la supervision traditionnelle et exige le recours à des technologies avancées d’analyse de données, à une surveillance assistée par intelligence artificielle, et à une intégration inter-plateformes.

Les lignes directrices préconisent explicitement une posture proactive fondée sur les risques, incitant les NCAs à traiter rapidement les menaces identifiées et à pouvoir agir de manière efficace et concluante.

3. Limites de la supervision dans les situations transfrontalières et avec des pays tiers (Section 4.12)

Consciente de la nature mondiale et décentralisée du marché des crypto-actifs, l’ESMA aborde les limitations structurelles auxquelles les NCAs sont confrontées lorsqu’elles supervisent des activités menées ou acheminées via des juridictions hors UE.

En particulier, les NCAs sont invitées à :

  • Identifier les CASPs dont les modèles économiques compliquent la détection des abus de marché (par exemple, exécution systématique via des plateformes offshores),
  • Signaler les difficultés de coopération transfrontalière et les limitations d’accès aux données transactionnelles ou d’identification,
  • Collaborer avec l’ESMA pour développer des approches harmonisées au niveau européen en cas de tels obstacles.

Cette section met en lumière l’asymétrie réglementaire entre l’UE et les pays tiers, ainsi que la nécessité d’une coordination stratégique au niveau de l’Union pour éviter les angles morts en matière d’application.

Conclusion : Vers un nouveau paradigme de supervision des marchés crypto

Ce rapport illustre l’engagement de l’ESMA à construire une culture de supervision harmonisée dans l’UE pour les crypto-actifs, reposant sur l’agilité technologique, la coopération transfrontalière et une interaction proactive avec les acteurs de marché.

Les PPAETs et CASPs sont vivement encouragés à évaluer leurs systèmes internes à la lumière de ces lignes directrices, notamment en matière de reporting de données, infrastructure de surveillance, et coopération avec les régulateurs. Leur capacité à anticiper et répondre aux attentes des superviseurs sera déterminante alors que l’Union européenne entre dans l’ère post-MiCA.

Pour toute question ou accompagnement sur la mise en conformité avec ces nouvelles obligations, notre société vous propose des services dédiés.

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